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Rendu numéro 01 - Janvier 2022 - 15000 signes min.

Mes premières expériences de conception graphique ont été rendu possibles par l’intermédiaire de logiciels gratuits et libres comme peuvent l’être Gimp, Photofiltre ou Inkscape. J'ai commencé le graphisme par ordinateur vers l'âge de 10-11 ans, je dessinais des robes sur des modèles virtuels que je publiais sur le forum d'OhMyDollz. C'était en suivant les conseils avisé des multiples artistes du coin des artistes, que j'avais appris à utiliser les calques, à faire des ombrages, et à utiliser des brushs.

https://www.ohmydollz.com/ Archives disponibles sur https://web.archive.org/web/20081019011228/http://www.ohmydollz.com/forum/viewtopic.php?pid=369985#p369985

C’est donc évidemment très tôt que s’est manifesté que mon désir d'utiliser Photoshop, l'un des logiciels de la suite Adobe les plus renommé du forum OhMyDollz. Si toutes les meilleurs stylistes du forum l'utilisaient, c'est bien qu'il devait être exceptionnel, capable de transformer des dessins pas terribles en véritables œuvres d'art! J'ai obtenu un crack du logiciel dès que l'occasion s'est présenté, quelques années plus tard, et OhMyDollz était déjà loin derrière moi. Finalement, je ne sais pas si c'est Photoshop qui rendait mes dessins exceptionnels ou si c'était plutôt les tutoriels que je suivais méticuleusement sur YouTube.

"Faites le premier pas avec Photoshop, la magie suivra. Laissez libre cours à votre créativité et créez des images d'exception, des éléments graphiques inédits et des œuvres d'art hors du commun. Oui, vous pouvez faire tout cela avec Photoshop. À partir de 23,99 € par mois."

Publicité sur la page web officielle du site Adobe https://www.adobe.com/fr/products/photoshop.html, dernière capture le 16 janvier 2022

J'avais déjà un coup d'avance lorsque j’ai commencé les cours lors de ma première année de bac professionnel communication visuelle. J'ai étanché ma soif de savoir en apprenant Illustrator et Indesign, deux autres logiciels emblématiques de la suite Adobe. D'après de nombreux appels d'offres, j'avais presque toutes les cartes en main, mis à part l'expérience, pour être une designeuse graphique professionnelle. La connaissance des logiciels serait en soi une connaissance suffisante, mais surtout nécessaire, pour travailler. C'est valable pour de nombreux autres métiers: le degré de technicitié logicielle est déterminante pour l'embauche. Les logiciels n’échappent à quasiment aucunes professions humaines, il est donc important de les analyser d’un point de vue esthétique, politique etc. C'est ce que font les softwares studies, un champ de recherche interdisciplinaire initié au début des années 2000 par Lev Manovich et Matthew Fuller, qui étudie les rapports des nouvelles technologies avec l’art et la culture.

Ces logiciels font partis du paysage. Nous ne questionnons même plus leur présence ou leur fonctionnement. Nous les utilisons, parce qu'ils sont devenus des standards. Ils imitent presque à la perfection le réel. Que se passe-t’il si l’on s’écarte de ces outils « fait » pour nous, et que nous commençons à concevoir nos propres outils ?

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« L’ordinateur, bien sûr, n’est pas juste un outil de plus, pas plus qu’il n’est simplement la combinaison d’outils divers, sorte de couteau suisse numérique. L’ordinateur est plutôt un méta-outil: il produit d’autres outils. »

Outil (ou le designer graphique face à la post-production), Andrew Blauvelt, Traduit de l’américain par Véronique Rancurel (révision Samuel Vermeil), tiré di magazine «Tool (Or, Post-production for the Graphic Designer)», in Graphic Design: Now In Production, Cooper-Hewitt National Design Museum/ Walker Art Center, 2011. Disponible sur le site https://revue-azimuts.fr/numeros/47/outil-ou-le-designer-graphique-face-a-la-post-production

Anthony Masure rédige entre 2011 et 2015 plusieurs articles sur la suite Adobe et plus généralement sur les softwares studies, en se basant sur des écrits de Lev Manovich et Matthew Fuller ou encore de Pierre-Damien Huyghe. Dans son article sur Adobe, il expose les incidences destructrices du marketing et du productivisme sur la créativité. Comme on peut encore aisément le constater aujourd'hui, les publicités d'Adobe présentent leurs logiciels comme étant "magiques", "intelligents", "sans limites" (Adobe.com). Le logiciel donnerait le pouvoir au créateur, en lui offrant tous les outils nécessaires. Basée sur une logique de la selection, la firme se démarque et oriente sa publicité autour de l'accumulations de fonctions nouvelles, toujours plus "impressionnantes", "surprenantes", "fluides".

Publicité pour After Effect,https://www.adobe.com/fr/products/aftereffects.html

[Les programmes Adobe] "Ils organisent une « mise à disposition » de la créativité (Pierre-Damien Huyghe)", ils sont réactifs, ne bug pas, et il n'est pas necessaire d'écrire du code pour créer.

Anthony Masure, « Adobe : le créatif au pouvoir », Strabic.fr, « L’usager au pouvoir », juin 2011, https://www.anthonymasure.com/articles/2011-06-adobe-creatif-pouvoir

Dans son article, il explique à quel point la créativité est automatisée, que tout est fait pour que la création se passe sans accrocs, sans efforts. Même les sources d'inspirations sont cataloguées et uniformisées. On les retrouves dans des sites dédiés à l'inspiration, ou les images sont indexées et tagguées, pour organiser une sorte de consensus autour d'une même idée. L'objectif étant de toujours donner l'impression que la création est facile, "par la navigation sans effort parmi des galeries d’images lissées."

Ce nouveau pouvoir donné au créatif est représentatif d'une volonté de démocratiser la création ( favorisation du crack, marketing aggressif, peu d'alternative dans les écoles d'art...) Adobe adapte et conçoit également de nouveaux produits en fonction de l'émergence de nouveaux métiers, Anthony Masure citait Adobe Cue en 2011 pour les chef de projets, et nous avons aujourd'hui Adobe XD qui est passé dans les must-have de la suite Adobe, suite à l'avènement des UX/UI designers. Anthony Masure démontre le rapprochement entre l'ouvrier prolétaire et l'assistant de création: tout deux sont dépendant de leurs outils/machines, qui font le travail à leur place de manière disciplinée et sans écarts. Les logiciels de la suite Adobe s'inscrivent dans une logique industrielle, et même si ils ne sont pas aussi limitatifs que peut l'être une machine industrielle, ils délimitent quand même un périmètre de création. De plus, rien n'indique chez Adobe une volonté "d'ouverture vers l'imprévu". Jurg Lheni, avec des projets comme Scriptographer, s'est bien rendu compte que les mises à jour incessantes rendaient impossible toute intervention extérieure. Comme Apple qui n'admet pas qu'un réparateur non agrégé répare leurs saint-appareils (https://www.arretsurimages.net/chroniques/clic-gauche/apple-et-lautoreparation-la-grande-illusion), Adobe ne met rien en œuvre pour qu'un autre programmeur interviennent dans leurs systèmes.

"Depuis CS3, j'ai régulièrement contacté Adobe pour lui proposer d'unir nos forces d'une manière ou d'une autre, car je pensais qu'ils devaient être intéressés par nos efforts. Malheureusement, ils ne semblaient pas l'être, ou n'avaient pas les ressources nécessaires. Et avec leurs propres environnements de script basés sur l'enveloppement automatique de l'API native qui ne reçoivent toujours pas l'amour et l'attention aux détails qu'ils méritent (leur API est non structurée et difficile à utiliser), je ne pense pas qu'Adobe voit la nécessité d'y investir de l'énergie à l'heure actuelle. Personnellement, je pense que c'est une erreur, et j'ai essayé de le leur dire à plusieurs reprises. Mais étant donné les changements fondamentaux que beaucoup de leurs applications ont subis lors des dernières révisions, il est compréhensible qu'il y ait eu des problèmes plus urgents." The Future of Scriptographer is … Paper.js!, Traduit avec www.DeepL.com/Translator, écrit par Jürg Lehni le 15 novembre 2012

Anthony Masure pose alors la question suivante: Est-il pertinent que la création soit au service du marketing, et qu'elle soit envisagée comme une économie d'effort et de modalités? Pour lui, les autres voies possibles sont celle qui laissent place au hasard, à la divergence, et peut-être également au temps. Des pratiques qui seraient plus proche du terme "design". Il termine son article avec une ouverture sur l'open source, qui semble être moins autoritaire.

"L’outil numérique serait à envisager comme un champ de possibles qui ne serait pas autoritaire et normé (deux notions habituellement liées au pouvoir)."

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L'open source, avec la forme d'horizontalité qu'il induit, tend en effet plutôt à être du côté de l'usager. Sa conception ouverte est totalement différente de celle du logiciel propriétaire, puisqu'elle permet en quelque sorte le partage du "pouvoir" aux membres de la communauté.

"Il y a ici une forme de valorisation qui ne passe pas par des logiques de profit, une économie de la connaissance qui fait de l’usager un contributeur (Bernard Stiegler)."

Anthony Masure, « Adobe : le créatif au pouvoir », Strabic.fr, « L’usager au pouvoir », juin 2011, https://www.anthonymasure.com/articles/2011-06-adobe-creatif-pouvoir

Les codes sources ouverts rendent possible une amélioration du programme depuis la base, ou une adaptation du programme en fonction des besoins. Ils permettent à toutes et tous d’accéder à la totalité des spécifications techniques. Comme le dis très bien Anthony Masure, l'open source n'est pas un remède anti-autoritaire. Mais dans un monde toujours plus opaque, il me semble que les personnes et les pratiques qui s’inscrivent dans cette culture contribuent à la transmission des savoirs. Iels contribuent en partie à la réappropriation de nos outils.

La culture libre ne fait pas l'unanimité. Stephanie Vilayphiou, designeuse graphique et membre du collectif OSP,

Open Source Publishing, http://osp.kitchen/about

explique que l’utilisation du logiciel libre est souvent contre-productive selon les critères actuels des industries de la culture et des services, mais éminemment productive si on se place d’un point de vue de la pratique du design.

Stephanie Vilayphiou, Entretien avec <stdin> p.109, Lire à l’écran, Édition B42, 2011

À titre personnel, c'est la découverte et l'apprentissage de différents langages de programmation qui m'ont permis de reprendre le contrôle sur mes outils, et de comprendre comment fonctionnent ces boites noires que sont les logiciels et plus généralement les machines. Comme l’explique Annick Lantenois dans l’introduction de Lire à l’écran, parut aux éditions B42 en 2011, les langages de programmations définissent l’environnement sensible des contenus, et donc les conditions de lecture et d’écriture.

Annick Lantennois, p.7, Lire à l’écran, Édition B42, actes de la journée d’étude organisée par L’ESAD de Valence, 2011

Programmer, c’est se préoccuper de la sous-face, celle qui tend à être invisible, celle qui contrôle ce que l’utilisateurj peut ou ne peut pas faire.

HTML, CSS et JS sont les principaux langages du web, et ils sont très satisfaisant à utiliser pour de nombreuses raisons et ils peuvent être utiles à de nombreux endroits dans des projets de design graphique. Ils font également parti des formats ouverts. Pour beaucoup, l’apprentissage de ces langages se fait en autodidacte. Des sites spécialisés comme le W3School ou MDN Web Docs rendent possible cet enseignement. En effet, la documentation des projets prend une place importante dans la culture du libre, puisque c’est grâce à elle qu’est possible la transmission de ces savoirs. Ce n'est pas pour autant que l'apprentissage de la programmation est une tâche facile, et la réticence de nombreuj étudiantj face à la simple vue du code est toujours fréquente. Il y a probablement de nombreuse raisons liées a ce rejet du code, comme le fait que ça soit austère et peut-être trop bavard. L’accessibilité de la programmation à toutes et tous est un enjeu majeur dans un objectif de désopacification des outils numériques. John Maeda l'avait déjà bien saisit lorsqu'il a conçu Design By Numbers, qui donna suite à Processing. Des environnements comme GéoTortue, ou Sonic Pi qui simplifient énormément les langages vont également dans cette direction. Les forums, les tutoriels, la mise en place de nouveaux outils permettant le partage des ressources autour de la programmation sont essentiels.

(La culture DIY, mais aussi la réappropriation par le marketing: Anthony Masure, «Makers : Fable labs ? », Strabic.fr, janvier 2013, https://www.anthonymasure.com/articles/2013-05-makers-fables-labs-chris-anderson)

La programmation est aussi un objet d'étude contemporain. Des recherches comme l'esthétique computationnelle de Winnie soon et Geoff Cox croisent théorie de la culture computationnelle, l’esthétique et les études culturelles, avec un intérêt particulier dans les relations de pouvoir qui sont méconnues comme les inégalitées et les injustices relatives à la classe, le genre, la sexualité, autant que la race et les restes de l’héritage colonial.

La programmation est un moyen de comprendre la société puisque c’est un objet culturel- W.Benjamin. g

Dans le 1er rendu, je me suis plutôt concentrée sur la critique des logiciels hégémoniques et de l'importance d'autres moyens de créations. Mais il y'a aussi le travail de Winnie Soon qui m'intéresse beaucoup et que j'aimerais étudier plus longtemps, à l'intersection entre les software studies et les études culturelles/sociales, qui questionne les relations de pouvoirs dans le code.